Entre cycle végétatif raccourci, vendanges précoces, taux d’alcool en hausse et modification de la typicité des vins, la filière vitivinicole est impactée dans son ensemble par les bouleversements induits par la crise climatique.
Découvrez, avec Terra Vitis, quelles sont les conséquences du réchauffement climatique pour la viticulture et quelles sont les solutions pour y faire face.
Des conséquences de la vigne au verre
Lorsque l’on aborde le sujet du changement climatique et des ses conséquences pour la viticulture française, on pense principalement au recul inexorable de la date des vendanges, année après année.
Si ce phénomène se vérifie effectivement dans toutes les régions viticoles de France, il est loin d’être l’unique manifestation du bouleversement climatique dans nos vignes.
Un développement précoce des vignes
La première conséquence du réchauffement du climat sur la vigne, en France comme ailleurs, est d’avancer tous les stades de développement de la plante. Débourrement, floraison et véraison interviennent en effet plus tôt dans l’année, dans tous les vignobles. En Alsace par exemple, la date de véraison a avancé d’environ 23 jours depuis les années 80 ; en Champagne, la pleine floraison de la vigne avait lieu aux alentours du 30 juin dans les années 80, elle intervient aujourd’hui autour du 15 juin.
Des récoltes plus fragiles
Le raccourcissement général du cycle végétatif de la vigne se constate dans tous les vignobles, et engendre de nombreuses conséquences sur la maturation du raisin, la qualité des récoltes et, au bout du compte, le profil des vins produits.
D’abord, du fait de leur éclosion précoce, les bourgeons sont plus susceptibles de subir des gelées à la sortie de l’hiver, avec les conséquences désastreuses que ce type d’épisode climatique implique pour les récoltes.
La récolte peut également être négativement impactée en cas de vague de chaleur, sécheresse, orage, grêle, etc., tout au long de la maturation des raisins. Or, l’une des conséquences du dérèglement climatique étant la multiplication de ce type d’épisode météorologique extrême, les risques de voir une récolte réduite à néant ou presque se multiplient également.
Laurent Monnet, responsable des vignobles du domaine du Château Philippe le Hardi en Bourgogne, souligne à quel point les années chaudes se font plus nombreuses ces derniers temps : “Il y a 20 ans, on avait une année caniculaire tous les 10-12 ans. Là, actuellement, on est sur des séquences où on en a 3 sur 5. Par exemple, sur 2018-2023, on a 2019, 2020 et 2022.”
Par ailleurs, lors d’épisodes de sécheresse prolongés, en particulier dans le sud de la France, le processus de maturation du raisin est modifié et les rendements en subissent les conséquences.
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Des vendanges plus précoces
Bien sûr, le raccourcissement du cycle végétatif de la vigne donne lieu à des vendanges plus précoces, un fait assez bien connu des consommateurs.
D’après le Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, les vendanges ont lieu en moyenne 18 jours plus tôt qu’il y a 40 ans, et cette tendance ne devrait que se renforcer.
Dans certains vignobles, l’écart est encore plus important : les vendanges en Alsace ont lieu plus de 25 jours plus tôt qu’il y a environ un quart de siècle !
Des vins au goût différent
Tous ces changements dans le cycle de maturation des raisins ont évidemment un impact sur le goût et les arômes des vins que l’on produit aujourd’hui.
Le premier, c’est l’augmentation de la concentration en sucre des raisins et, conséquence directe de ce phénomène, l’augmentation du taux d’alcool des vins. Cet effet est directement lié au réchauffement global des températures au cours de la maturation des raisins.
Parallèlement, l’acidité se réduit, ce qui donne, in fine, des vins plus plats et qui sont plus difficiles à conserver. Un problème que rencontre déjà Marie-Colette Vandelle, maîtresse de chai au domaine Ligier : “Pour avoir de bons vins de Savagnin [cépage typique du vignoble jurassien, ndlr], il faut une acidité importante au départ, que l’on a de moins en moins, avec des PH de plus en plus hauts. On a donc de plus en plus de perte au vieillissement.”
Le changement climatique se fait aussi sentir à la dégustation , par exemple sur les vins de Bordeaux dont les arômes de fruits frais caractéristiques laissent peu à peu place à des notes de fruits cuits, que l’on goûte habituellement dans les vins du sud. Ceci étant, cela n’est pas forcément négatif pour tous les cépages, comme en témoigne Ghislain Boutemy du Château Haut-Lagrange : “On ressent aussi [les effets du changement climatique] au niveau du goût du vin, parce qu’on n’a jamais eu une qualité de vin comme celle qu’on a aujourd’hui. On fait des choses formidables, parce qu’on arrive à avoir la maturité que l’on veut pour chacun des cépages, et ça c’est génial.”
Dans certaines régions du globe, des viticulteurs ont retrouvé dans leurs vins un léger goût de fumée, imputable aux méga-feux qui ravagent désormais régulièrement la planète.
Quelles solutions pour faire face à ces bouleversements ?
Les impacts du changement climatique sont aussi nombreux que variés, mais heureusement, il existe des leviers d’adaptation et des solutions se dessinent !
L’anticipation des défis à venir
Tout d’abord, il apparaît plus crucial que jamais de pouvoir anticiper avec précision les conséquences attendues du réchauffement climatique sur les différents vignobles français. C’est à cette condition que la filière vitivinicole, avec le concours des pouvoirs publics et de la recherche, pourra s’adapter efficacement face aux enjeux qui l’attendent.
En ce sens, les modèles prédictifs (pp.113-118) se sont multipliés ces dernières années, dont certains parviennent à atteindre une résolution suffisamment grande pour s’avérer réellement pertinents pour les viticulteurs sur le terrain.
Ce type de modèle intègre la variabilité locale du climat pour affiner les scénarios régionalisés du changement climatique ce qui, dans le cadre d’une culture aussi intimement liée à son terroir que la viticulture, prend tout son sens.
L’utilisation de cépages plus résistants
La modification de l’encépagement des vignobles afin de favoriser des cépages résistants fait partie des solutions d’adaptation privilégiées face au réchauffement climatique.
Aujourd’hui, on opte de plus en plus souvent pour des cépages à maturation plus lente, typiquement ceux que l’on cultive actuellement à Chypre, en Espagne ou en Grèce par exemple, car ils ont l’avantage de mûrir naturellement plus tard et d’être moins gourmands en eau.
Certains viticulteurs se tournent vers des clones tardifs ou encore des cépages anciens, que l’on avait délaissés. Au domaine Ligier, dans le Jura, Hervé Ligier, son frère Stéphane et Marie-Colette Vandelle ont déjà lancé des expérimentations sur le Savagnin : “Au niveau du savagnin, on plante principalement des clones tardifs [au cycle végétatif plus long, ndlr], voire des sélections massales qui n’étaient plus utilisées car elles étaient justement trop hétérogènes sur la maturité, qui sont finalement remises au goût du jour aujourd’hui.”
L’adaptation des pratiques viticoles
Enfin, l’adaptation des pratiques viticoles en vue de les rendre plus durables et plus résilientes s’impose comme une absolue nécessité.
Les conclusions du projet LACCAVE (projet de recherche pluridisciplinaire coordonné par l’INRAE et lancé en 2012 visant à caractériser les effets du réchauffement climatique et à imaginer des solutions) vont d’ailleurs en ce sens, soulignant l’importance de mettre en place dès aujourd’hui des pratiques visant à limiter l’impact de la viticulture sur le climat d’une part, et, d’autre part, des façons de faire permettant de préserver la qualité des sols, d’améliorer la gestion de l’eau, d’adapter la vinification, etc.
Chez Terra Vitis, c’est exactement dans cette optique que nous progressons, faisant évoluer chaque année notre cahier des charges pour répondre concrètement aux enjeux de durabilité auxquels nous faisons face. Retrouvez plus d’informations sur les bonnes pratiques Terra Vitis ici et ici.
Ce qu’il faut retenir
- A cause du changement climatique, c’est l’ensemble des stades de développement de la vigne et du raisin qui sont modifiés : tout intervient plus tôt dans l’année.
- Cela rend la vigne et les récoltes globalement plus fragiles.
- Les vendanges se font de plus en plus tôt dans l’année, en moyenne 18 jours plus tôt qu’il y a 40 ans.
- Le réchauffement climatique modifie aussi la typicité des vins français : il agit sur les températures, l’ensoleillement, les précipitations, les types de sols, etc., qui sont autant de variables qui participent à donner son goût au raisin et, in fine, au vin.
- Les solutions existent, elles reposent principalement sur l’adaptation des pratiques culturales afin de les rendre durables et résilientes.